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Extrait tiré du livre : La loi du ring, de Michel Chemin aux éditions : Découverte Gallimard, Dispo ICI

Du Pugilat à la Boxe Anglaise

Avant la boxe telle que nous la percevons aujourdh'hui était le pugilat. les traces les plus anciennes de confrontations à poings nus remontent à la période sumérienne,entre 3500 et 1500 ans avant notre ère. des tablettes d'argile, découvertes lors de fouilles archéologiques près de Bagdad, représentent des lutteurs et des boxeurs face à face. Mais c'est en Grèce que le pugilat acquiert ses lettres de noblesse et découvre ses premiers héros.

Pugiliste de Bronze

L'air grave et le visage marqué ce pugiliste de bronze (1ersiècle av.J.-C.) s'accorde quelque repos. A leurs tout débuts, les épreuves de pugilat se tenaient lors de rites funéraires fastueux que les vivants dédiaient aux guerriers les plus braves morts au combat. Une fois inscrites au programme des jeux antiques, leur vainqueur, élevé au rang de héros, accédait à la gloire. Ainsi, le premier champion olympique de pugilat, Onomaste de Smyrne, devait être considéré comme un demi-dieu. Varadeskis, le dernier, en l'an 369 de notre ère, mit à profit son prestige de pugiliste pour devenir roi d'Arménie.

Les premiers jeux d'Olympie ont lieu en 776 av.J.-C., mais le pugilat n'y fait son apparition qu'en -688, lors de la 23èmeédition. le vainqueur de l'épreuve, Onomaste de Smyre, aurait édicté les premières règles du combat au poings. Les jeux Olympiques antiques sont réservés exclusivement à la noblesse masculine de l' époque; les esclaves, comme les femmes, y sont proscrits. Ils ont les mains entourées d'épaisse lanières de cuir de boeuf, myrmex plus tard nommées par les Romains caestus. Parfois lesté de lourd plomb, ce "ceste" a pour but d'accentuer l'impact des coups et d'infliger de cruelles et spectaculaires blessures.

Jeunes Pugiliste

La force et le courage n'excluaient pas, pour les Grecs anciens, la grâce et la finesse des traits. Témoins ces jeunes pugilistes, peints vers 1500 av.J.-C. sur l'île de Théra comme un hommage à Apollon, dieu de la lumière mais aussi des pugilistes pour avoir vaincu aux poings l'ignoble Forbas. "l'un et l'autre ont pris position, dressés sur la pointe des pieds, sans s'émouvoir, les bras levés vers les souffles d'en haut.Ils mêlent leurs mains dans leurs mains et engagent le combat. Nonbreux sont les coups, ils les redoublent au creux des flancs, autour des oreilles et des tempes, la main sans cesse cherche sa chance, les machoires craquent sous la rudesse des coups".

Les romains font évoluer sensiblement les techniques d'entraînement du pugilat. Ils inventent le sac de sable (ancêtre du punching-ball), peaufinent les jeux d'esquives. Le pugilat disparaît avec l'avènement du christianisme qui proscrit toute forme de violence. Comme pratique sociale et sportive, il réapparaît a venise vers l'an mil, mais dans la clandestinité. Le refus du pouvoir politique et religieux de lever son interdit contraint le pugilat à un nouvel oubli.

Durant six siècles, les diverses formes de lutte connaissent de grands succès dans les pays européens, mais tout se passe comme si le pugilat, entrant en hibernation, avait disparu de la surface de la terre. Néanmoins, il doit continuer à se pratiquer, car c'est sans effet de surprise que le protestant Mercury de Londres annonce sur quelque lignes, en janvier 1681 qu'une rencontre de pugilat a eu lieu entre un boucher et un majordome que le premier remporta. Lorsque cet article paraît l'aristocratie anglaise est inquiète. Tenaillée par une indicible angoisse quant à son avenir, la noblesse anglaise s'intéresse au pugilat. Question de modernité, celui-ci perd son ceste cruel et gagne un nouveau nom: boxing, du verbe to box, frapper avec le poings. Des fortunes se font et se défont au rythme des paris engagés autour de rings improvisés. Assez rapidement, les acdémies où l'on enseigne l'escrime deviennent des lieux ouverts à ce nouveau sport. De cette promiscuité, la boxe tire l'une de ses appellations: l'escrime du poings. Il n'y a alors qu'une catégorie de poids, les combats durent j'usqu'à ce que l'un des protagonistes soit mis K.O ou qu'il abandonne (ce qu'on nommera plus tard des combats "au finish"). La durée des rounds dépend essentiellement des blessures ou de la fatigue, et chaque combat tel un marathon, peut durer plusieurs heures.

Ring Rules

La publication des Ring Rules, le 16 août 1743, est liée à deux événements: Broughton a été très affecté par la mort de l'un de ses adversaires, d'autre part, sous la pression de quelque nobles ruinés par les mauvais paris, le parlement anglais a prononcé, le 17 avril 1743, l'interdiction de la boxe professionnelle considérée comme immorale et dangereuse. Jack Broughton, veut que son sport vive. En sept articles il définit la régularité des coups et instaure l'arbitrage, le temps de récupération et la bourse des boxeurs, liée à la recette et non plus indexée sur les paris. Le pugiliste club a pour rôle de faire respecter cette première loi du ring. La seule règle rejetée proposé par Broughton concerne le port de mufflers, gants de protection qui ont fait leur apparition lors des entrainements. Ce règlement n'est qu'un premier pas, mais c'est un pas de géant.

Le premier vrai Championnat du Monde de l'histoire a lieu le 17 avril 1860 à farneborough, non loin de londres. Un verdict de match nul sanctionne cette première confrontation internationale. Après se combat, Tom Sayers se retire. Il meurt cinq ans plus tard, à trente-neufs ans, des suites, dit-on, de son dur combat face à Heenan.

Heenan Sayers

J'usqu'à son interruption par la police, le combat entre Tom Sayers et John Camel Heenan fut d'une violence inouïe. Au 7èmeround l'Anglais, a l'avant-bras gauche fêlé. Au round suivant l'Américain se casse la main droite. Après plus de deux heures de sauvageries, les deux boxeurs y voient à peine tant ils ont les yeux tuméfiés. L'arbitre, écoeuré, quitte le ring; la furieuse bataille se poursuit sans lui. Heenan ne remporte pas le titre aux Etats-Unis.

Le gitan Jem Mace, boxe gants aux points. ces boules de cuir agitent les discussions. Les uns, de plus en plus rares, considèrent que la boxe s'en trouve dénaturée; les autres y voient une humanisation indispensable à la pérennité du sport. L'idée que le port de gants est une bonne chose fait son chemin. Le journaliste anglais Graham Chambers, qui élabore en 1867 de nouvelles règles, lui emboîte le pas. Peu connu, il demande au marquis de Queensberry de le soutenir dans son entreprise de modernisation. Ces règles passeront à la postérité sous le nom de leur prestigieux parrain.

Marqui De Queensberry

De son vrai nom John Sholto Douglas, le huitème marquis de Queensberry, grand amateur de boxe, mécène et organisateur de combats, acceptera de prêter son nom afin d'humaniser la boxe à poings nus et imposer définitivement le ports des gants. il se passera tout de même un quart de siècle entre l'élaboration, en 1867, des règles dites du marquis de Queensberry, et leurs application généralisée, en 1892. Muni de gants assez éloignés des modèles utilisés de nos jours, Jack Nonpareil Dempsey fut, contre Johnny Reagan en 1884, le premier Champion du Monde(poids moyens), selon les règles du marquis de Queensberry.

Avec le port des gants, la boxe s'universalise... mais elle passe sous domination américaine. Seules les Noirs sont exclus de la route aux titres mondiaux. Un ostracisme que Jack Johnson va tailler en pièces. On ne le lui pardonnera pas. Georges Carpentier, qui affronte Jack Dempsey dans le premier "combat du siècle", échoue dans sa tentative d'offrir le plus prestigieux des titres à la France.

L'Âge D'Or

Le combat qui oppose John Lawrence Sullivan à James John Corbett (Gentleman Jim), le 07 septembre 1892 à la Nouvelle-Orléans, illustre le télescopage de deux époques. L'ancienne est incarnée par Sullivan, star de la boxe à poings nus. Le bostonien, adulé boxe depuis 1878, alors qu'il avait déjà vingt ans. Il n'a pas connu la défaite en une quarantaine de confrontations et détient le titre des poids lourds depuis 1882. Sullivan, de huit ans l'aîné de James J.Corbett, paye en vingt et un rounds, la lourde addition de dix ans de négligence physique et d'excès en tout genre. Sullivan KO; la boxe entre dans l'ère moderne.

SullivanVsCorbett

Dernier champion de la boxe à poings nus, Sullivan reçut de ses concitoyens, et à l'initiative du journal Boston Globe, une ceinture sertie de diamants. Le Choc des Titans (07 septembre 1892) consacre le passage de la boxe à la modernité. Au pied du ring, un public en queue-de-pie assiste à l'avènement de Corbett, vainqueur par KO au 21èmeround. Avant de s'incliner, John Sullivan s'est jeté dans un dernier baroud d'honneur plein de courage.

Premier champion des poids lourds selon les règles du marquis de queensberry, James John Corbett prend le temps de savourer son triomphe. Il ne remet son titre en jeu qu'en 1894, face à Charlie Mitchell, qu'il bat en trois rounds. Ce n'est qu'en mars 1897 qu'il affronte son second challenger: Bob Fitzsimmons. Fitzsimmons, champion du monde des poids moyens en 1891, au détriment de Jack Nonpareil Dempsey, bien qu'invaincu depuis cette date, Bob Fitzsimmons n'est pas satisfait. Il se rend compte que, déjà, la boxe n'existe qu'à travers la catégorie des poids lourds - dont le champion est considéré comme l'homme le plus fort du monde - et il n'a qu'un objectif: affronter Corbett. Le combat à lieu le 17 mars 1897, à Carson City dans le Nevada. Pour la première fois, une équipe de cinéma filme un combat de boxe. Pour la première fois également, un journaliste français, Paul Meyan du Figaro, a traversé l'Atlantique pour rendre compte à ses lecteurs d'un championnat du monde de boxe. Bob Fitzsimmons l'emporte par KO au 14èmeround. Le titre des lourds change de points deux ans plus tard; James Jackson Jeffries, chaudronnier, détrône Fitzsimmons et demeurera champion du monde jusqu'en 1903.

Le XXesiècle est né et la boxe s'épanouit. Aux Etats-Unis, l'esclavage est officiellement aboli depuis trente ans et la constition rappelle que les hommes naissent libre et égaux. dans la boxe, tous les champions en titre sont blancs, à l'exception du Canadien Georges Dixon.

GeorgesDixon

Georges Dixon fut le premier boxeur à utiliser un mirroir pour l'entraînement. et cela lui réussit, puisqu'il fut aussi le premier Noir à s'emparer d'un titre mondial de boxe, en 1890, celui des poids coq, face à Nunc Wallace.

Un an avant de devenir champion du monde, James Corbett a affronté le boxeur noir Peter Jackson. Le combat, qui a duré soixante et un rounds, s'est soldé par un no-contest. Son titre en poche, Gentleman Jim refusera de le défendre face à un Nègre. Peter Jackson ne disputera pas de championnat, il se contentera d'affronter ses frères de couleur, ou de servir de faire-valoir à de jeunes espoirs blancs.

Si la brèche est ouverte, les blancs entendent toutefois conserver la mainmise sur le plus glorieux de tous les titres, celui des poids lourds. Jack Johnson qui n'a subi que trois défaite en soixante-dix-huit combats depuis 1897, affronte le canadien Tommy Burns le 26 décembre 1908, à Sydney, cela donne lieu à une campagne de violence histérique. Jack Johnson l'emporte par KO au 14èmeround. Pour la première fois, un Noir est champion des poids lourds, c'est-à-dire reconnu dans l'imaginaire comme l'homme le plus fort du monde.

JackJohnson

Le règne de Jack Johnson inaugure la mode des Grands Espoirs Blancs. Stanley Ketchell, extraordinnaire puncheur chez les poids moyens, lui lance un défi en octobre 1909. Ketchell mis KO c'est au tour de Jeffries, le Vieux Chaudronnier, d'affirmer, après cinq années d'inactivité, que la plaisanterie a suffisament duré. Mal lui en prend...Johnson s'amuse avec Jeffries, avec la même cruauté que le chat avec la souris. Il en termine juste quand il le désire, au 15èmeround. Il faut recourir à d'autres moyens pour barrer la route à Johnson. On crée alors un titre de Champion du monde des poids lourds de race blanche, car il n'y a que sur les bandes d'images enfantines que le Noir finit toujours au tapis. Le cauchemar de l'amérique prendra fin en 1915 avec la défaite, volontaire à ses dires, de Johnson face au cow-boy Jess Willard.

Carpentier fut le premier héros français de la boxe. Bien qu'il fût un éphémère champion du monde des poids lourds de race blanche, institué pour faire barrage à Johnson, conquis en juillet 1914 à Londres au détriment de l'Anglais Gunboat Smith. Avant de devenir ce champion trop blanc pour être honnête, Carpentier n'avait pas caché son admiration pour les grands boxeurs noirs. L'echo de se faux titre mondial se perd très vite dans les tumulte de la guerre. Georges Carpentier va à Jersey City affronter Battling Lewinski, pour l'attribution du titre mondial des mi-lourds, créé en 1903, qui n'a pas été disputé depuis quatre ans. Le Français l'emporte par KO au 4èmeround. C'est la gloire au retour et Georges Carpentier tente le pari insensé de s'attaquer au titre des lourds que détient Jack Dempsey depuis 1919. Carpentier, surnommé l'Homme à l'orchidée fait la une des journaux. Le promoteur américain Tex Rickard eut une idée de génie: celle d'organiser le premier combat du siècle, programmé le 02 juillet 1921. Une arène en bois de 120 000 places est construite en plein air à Jersey City; 80 183 billets seront vendus, laissant une recette record de 1 789 238 dollars.

DempseyVsCarpentier

Le combat dure dix minutes et Dempsey l'emporte par KO au 4èmeround. Auparavant, l'Américain a souffert sous les coups de son challenger et dira plus tard: "Au 2èmeround, j'étais au bord du KO. Si Carpentier m'avait poussé je serais tombé." Le Français, la main droite cassé dès le 1erround, était incapable de pousser d'avantage et, selon la formule célèbre: "La France pleure". Le Français, plus petit de 5cm et plus léger de 8kg s'incline. Un journal du New Jersey titera le lendemain: "Ce n'est pas le meilleur qui a gagné, mais le plus fort." Après cette victoire, Dempsey devient, enfin, une idole du sport américain.

Carpentier, toujours champion du monde des mi-lourds, défend ce titre en mai 1922 à Londres face au héros anglais Ted Kid Lewis qui est mis KO au 1erround, devant le public stupéfait et tétanisé de l'Olympia Arena. Carpentier permet à la boxe (anglaise) française de s'épanouir et à Paris de devenir l'une des capitales du monde pugilistique. Après sa victoire sur Lewis, on le voit plus souvent dans des soirées de gala qu'à l'entraînement. Un comble pour celui qui eut un jour cette phrase fameuse: "Pour boxer, il faut avoir faim." Le 22 septembre 1922, Carpentier défend ses titres de champion de France, d'Europe et du monde des mi-lourds devant le Français d'origine sénégalaise Louis Phale Siki, boxant sous le pseudonyme de Battling Siki. François Descamps, le manager de Carpentier, peu confiant dans la condition physique de son poulain, a pris la précaution d'arranger le combat: Carpentier, de qui Siki a peur, n'appuiera pas ses coups; en contrepartie, Siki se couchera au 4èmeround.

BattlingSiki

Battling Siki prend confiance devant le peu d'énergie de Carpentier, et il rompt son engagement. Au 6èmeround, c'est Carpentier qui est KO. L'arbitre, dans un ultime subterfuge, tente de sauver le champion du désastre en disqualifiant Siki, mais le public bien qu'il idolâtre Carpentier, proteste avec une telle véhémence que celui-ci est finalement déclaré battu. Battling Siki profitera peu de son titre inespéré. Il émigre aux Etats-Unis, on découvre son corps criblé de balle le 15 décembre 1925 à New York. Si on l'a vite oublié en France, il fait toujours l'objet d'un véritable culte au Sénégal, où l'on rappelle qu'il fut le premier Africain champion du monde de boxe.

Le public emplit les salles de boxe à travers le monde. Il sacre ses idoles et génère ses premiers millionnaires: Dempsey, Tunney ou Armstrong. Les Sud-Américains Kid Chocolate et Al Brown enchantent les foules. Tout va bien? Oui, mais l'avenir ne tarde pas à s'assombrir au-dessus des rings.

Des Champions Aux Idoles

La boxe est désormais devenue un élément culturel indissociable du rêve américain. La popularité de ses héros suscite l'envie des stars. Jack Dempsey qui connaît le prix de la sueur affirme: "Quand on se bat, il n'y a qu'une chose qui compte: l'argent."

Dempsey

Tandis qu'en France Georges Carpentier boit la coupe de son faux pas jusqu'à la lie et vit ses déboires comme une punition divine, à 8 000 kilomètre de là, Jack Dempsey, l'autre protagoniste du premier combat du siècle défriche une voie royale du bout des gants. Sa victoire probante, face au Frenchie, l'a hissé au rang d'idole. Il confirme ce statut en conservant son titre, parfois au terme de combats épiques. Comme lors de son affrontement avec l'Argentin Luis Firpo le 14 septembre 1923, au Polo Ground de New York, devant 82 000 spectateurs. Le combat fut bref mais d'une intensité rarement atteinte auparavant, après trente seconde de combat, un coup terrible expédia Dempsey à travers les cordes. Sans la présence des photographes, il serait tombé hors du ring, perdant son titre s'il n'y était pas remonté avant dix secondes. Dempsey pris la violence de Firpo à bras le corps. Il l'emporta par KO au 2èmeround.

Dans d'autres catégories, dans d'autres lieux, évoluent des combattants tout aussi talentueux et efficaces, mais beaucoup moins populaires et au destin parfois cruel. Le philippin Francisco Guilledo, domine les poids mouche. Champion du monde en battant l'amèricain Jimmy Wilde par KO au 7èmeround, il conservera son titre jusqu'en juillet 1925, date à laquelle il mourrut dix jours après son cent cinquième combat face à l'Américain Jimmy McLarin, il avait vingt-quatre ans.
Champion des poids légers depuis 1917, le New-Yorkais Benny Leonard continue de faire des misères à tous ses opposants. Surnommé le le Sorcier du guetto, Leonard, qui boxe avec une étoile de David cousue sur le short, évolue sur le ring comme un extraterrestre. Invaincu chez les légers, après cent soixante-dix-huit combats. Benny Leonard monte chez les poids welters, où il essuie son premiers revers, il ne perdra que cinq de ses deux cent-dix combats. Après Georges Carpentier, Eugène Criqui devient champion du monde. Né à Belleville en 1893 Gégène est champion de France des mouches quand il est mobilisé en 1914. En mars 1915, près de verdun, un éclat d'obus lui fracasse la mâchoire. Il eût été perdu pour la boxe sans la ténacité des chirurgiens qui durant deux ans, se sont efforcés de le rafistoler, renforçant sa mâchoire avec une plaque de fer.

EugèneCriqui

Entre février 1917 et décembre 1922, il remporte cinquante-trois de ses cinquante-cinq combats et lance un défi au champion du monde des plume, l'Américain Johnny Kilbane, qui l'accepte. Le combat a lieu le 2 juin 1923 à New York, et Eugène Criqui l'emporte par KO au 6èmeround. Il demeure à New York pour y affronter Johnny Dundee. Le 26 juillet, il perd son titre aux points. Le règne de Criqui n'aura duré que cinquante-quatre jours et il s'en revient en France totalement démotivé, perdant cinq de sept derniers combats. Le porte drapeaux des Geules cassées gagnera son ultime et 117èmecombat, en mars 1928.

Gene Tunney, que rien ne prédestinait à devenir boxeur et encore moins à devenir le successeur de Dempsey. En 1926, il n'a connu que deux défaites, aux points, en soixante-treize combats, et sa route croise celle de Dempsey. Leur rencontre, le 23 septembre 1926 à Philadelphie, passionne une fois de plus l'Amérique toute entière. Tunney, qui a en quelque sorte inventé la feinte, en use d'abondance face à Dempsey qui tombe dans le traquenards tendus, Tunney l'emporte aux points au bou des dix round, au lieu de quinze, exigé par Dempsey. Ce combat organisé par Tex Rickard, détient le record d'affluence: 127 757 spectateurs payants se pressent dans le stadium et la recette frôle les deux millions de dollars. Le salaire du boxeur, la bourse, est fixé par contrat avant le combat. Rickard a offert 700 000 dollars à Dempsey et 204 000 à son challenger. En homme d'affaires avisé, il comprend que ce duel poignant en appelle un autre, et organise la revanche un an plus tard à Chigago. Cette fois le 22 septembre 1927, il n'y a que 104 943 spectateurs dans le stade du Soldier's Field, mais la recette s'élève à 2 658 000 dollars. Fort de son titre, intraitable en affaires, Tunney touche une bourse de 990 000 dollars, la plus forte jamais offerte jusqu'alors, contre 447 500 à Dempsey. Cette revanche se déroule sur un scénario similaire au premier combat, à ceci près qu'au 7èmeround, Gene Tunney va au tapis, littéralement KO. Conformément au règlement, avant de commencer son compte, l'arbitre enjoint alors Dempsey de regagner son coin et celui-ci n'obtempère pas immédiatement, restant près de son adversaire. Lorsque l'arbitre commence à compter cela fait dix-sept secondes que Tunney est au sol et il a eu le temps de récupérer. Lorsqu'il se relève, il peut à nouveau esquiver les coups de Dempsey, à nouveau battu au points. Ce combat, dit "du long compte" clôt une époque. Dempsey, le Lion de l'Utah, vaincu, annonce son retrait, précédant de peu son vainqueur. Tunney, disait:"Ce qui est dangereux dans la boxe, c'est de ne pas partir à temps", il se retire en 1928 sans avoir remis en jeu son titre des poids lourds, rompant la tradition d'une passation de pouvoir Gants aux points.

Henry Melody Armstrong, né à Saint-Louis (Missouri) en 1912, connaît des débuts pugilistique laborieux en 1931, mis KO en trois rounds à son premier combat. Après ce faux départ, il s'arrête un an pour mieux se preparer. Sa deuxième tentative n'est pas la meilleure et il perd ses deux combats de come-back. Mais cette fois, il s'accroche et surmonte psychologiquement ses revers. Entre janvier 1937 et septembre 1940, il dispute soixante et un combats, n'en perd qu'un seul et en remporte cinquante par KO, ce qui lui vaut le surnon peu engageant de Homicide.

HenryMelodyArmstrong

Au passage, à travers vingt-quatre championnats du monde, il décroche les titres mondiaux des poids plume, légers et welters, un exploit sans précédent et jamais égalé depuis. Il détient simultanément ces trois titres en octobre 1940 lorsqu'il affronte Fritzie Zivic qui le bat aux points. Lors de la revanche, en janvier 1941, Armstrong est KO au 12èmeround. Il n'a que vingt-neuf ans, mais les cent vingt-trois combats qu'il a disputés en dix ans, plus d'un par mois en moyenne, l'on usé prématurément. Après quelques victoires face à des inconnus, et de cinglantes défaites devant des jeunes qui montent, tel que Ray Sugar Robinson, Il prend, en février 1942, une retraite bien méritée. Henry Melody Armstrong demeure l'un des plus grands boxeurs de l'histoire. Vedette des jeudis du Madison Square Garden, où il défendit dix-neuf fois son titre des poids welters, Henry Armstrong fit fortune en acceptant d'être payé a la recette. Il disputa cent-soixante quatorze combats avant de se replier sagement dans le Missouri, où il devint prédicateur.

Le trouble agite la boxe professionnelle dans la décennie 1930-1940. Son activité florissante fait que chacun veut s'accaparer la plus grosse part du gâteau. En 1927, New York se veut capital de la boxe. Les dirigeants de la commission de boxe de la ville, soutenus par les organisateurs, décident de créer leur propre fédération, la NYAC, qui decerne ses titres mondiaux. Un autre organisme se crée immédiatement aux Etats-Unis, animé par des objectifs identiques, la NBA. En 1934, c'est au tour des européens de contester le monopole américain, ils fondent leur fédération, l'IBU. Si la boxe gagne en abondance de titres attribués, elle perd en crédibilité. Découpé en rondelles, le sacro-saint titre de champion du monde veut rarement dire grand chose, et c'est à qui sera le plus malin pour obtenir un titre... dévalué.

PrimoCarnera

Pour les poids lourds, le chaos où s'enlise la boxe professionnelle emprunte d'autre voies. En 1933, le titre est détenu par l'Italien Primo Carnera, qui n'a pour lui que son imposante stature. Carnera est champion fabriqué de toutes pièces par son manager, le Français Léon Sée, qui n'a pas hésité à acheter les adversaires de son poulain pour lui ouvrir la route au titre mondial, qu'il conquiert en battant Jack Sharley, par KO au 6èmeround d'un combat qui, semble-t-il n'a pas été truqué, contrairement à bien des précédents. Méconnaissant les intrigues qui se sont tissées autour de lui et de son ascension, Primo se croit sincèrement l'homme le plus fort du monde lorsqu'il affronte l'Américain Max Baer, le 14 juin 1934, au Madison Square Garden de New York. L'élégant Max Baer tourne à son avantage une infériorité de taille de 20cm et 25kg. Plus mobile, bien protégé derrière une garde hermétique, il domine le champion, avant de l'humilier en l'envoyant onze fois au tapis et de l'insulter verbalement. Il terrasse Carnera au 11èmeround. La veille du combat, Léon Sée, dépossédé de ses droits sur Carnera, avait publiquement reconnu avoir truqué des combats.

Noir contre Blanc, Américain contre Européens, la boxe a toujours été particulièrement friande d'oppositions extra-sportives. Le premier combat Max Schmelling-Joe louis, en juin 1936, fut cela et autre chose encore :le choc de l'Amérique et de l'Allemagne nazie. Pour sa part, Max Schmelling, champion des poids lourds entre juin 1930 et juin 1932, est devenu l'un des hérauts du nazisme en marche, ce qu'il ne cessera de regretter beaucoup plus tard.

JoeLouisMaxSchmelling

En juin 1936, son combat sans enjeu face à Joe louis, l'étoile qui monte, est présenté comme le combat que la race supérieur aryenne mène contre les inférieurs, en l'occurrence la race noir. Schmelling, a New York, l'emporte par KO au 12èmeround, mais pour Joe Louis l'histoire ne s'arrête pas là. Un an plus tard, le 22 juin 1937, il redonne le titre des poids lourds aux Noirs (face à James Braddock), qui en étaient privés depuis 1915. En 1938, il prend sa revanche sur Max Schmelling qu'il "Knockoute" au 1erround devant le public du Yankee Stadium exultant.

Jusqu'en 1942, Joe Louis défend victorieusement son titre vingt fois, relevant tous les défis qui lui son lancés. L'enfant des guettos de Detroit et de New York, le fils d'un esclave d'Alabama où il est né en 1914 et d'une indienne Cherokee, devient le héros que la boxe attendait depuis longtemps. Il met à profit sa popularité pour militer en faveur des droits civiques des Noirs, un combat qui s'annonce bien plus dur que la défense d'un titre. Pour Joe Louis, l'avenir est des plus sereins, mais l'irrésistible ascension de ce Bombardier Noir et son insolente domination sont stoppées par les bruits de bottes et de canon qui font trembler le monde.

La Guerre, La Mafia, La Mort

La boxe tourne au ralenti. De janvier 1942 à décembre 1945, trente-cinq championnats du monde seront organisés, dont trente et un aux Etats-Unis (trois en Angleterre et un au Mexique), contre vingt-sept pour la seule année 1941.

Joe Louis remonte sur un vrai ring, qu'en juin 1946, face à Billy Conn, ex-champion du monde des mi-lourds qu'il avait battu en 1941 par KO au 13èmeround. Cette fois, Conn ne tient que huit rounds, et Joe Louis repart au combat qu'il affectionne.

MarcianoVsLouis

En mars 1949, après avoir remporté son vingt-septième championnat du monde devant Jersey Joe Walcott, il annonce sa retraite sportive. Tout le monde salut sa sagesse, mais le fisc américain, qui lui réclame des centaines de milliers de dollars, le pousse à nouveau sur un ring en septembre 1950. Confronté à Ezzard Charles, il perd son come-back, Charles ce soir là, devient champion du monde des poids lourds. Après huit victoire face à des inconnus, le 26 octobre 1951, Louis essuie un sévère KO devant Rocky Marciano, un poids lourds blanc dont on commence à murmurer le nom avec admiration. Il décide alors de renoncer à la boxe.

La guerre a également freiné la monté en puissance de Ray Sugar Robinson. Après des débuts tonitruants en 1940, il doit attendre six ans et soixante-seize combats (une seule défaite concédée à Jake La Motta, remportant cinquante de ses victoires par KO) avant de disputer le titre mondial. Sacré chez les welters en décembre 1946, il l'est en poids moyens en 1951. Grâce à ses multiples Matchs-épopées, contre Jake La Motta qu'il affronte six fois, il est unanimement considéré comme le meilleur poids moyen de tous les temps.

RayRobinson

Robinson poursuivit sa carrière bien plus longtemps qu'il ne l'eût souhaité. A trente et un ans, après douze ans de carrière, deux titres mondiaux (welters et moyens), cent trente-sept combats dont seulement deux défaites, rarement retraite ne fut plus méritée. Une mauvaise gestion de sa fortune et le fisc le ramenèrent au combat en janvier 1955, et pour dix ans encore. jusqu'en novembre 1965, il livra soixante-quatre nouvelles batailles, et en perdit une quinzaine. Mais la magie de ses gestes précis et élégants jouait encore. En 1956, il récupéra le titre des poids moyens, le perdit en 1957, le reprit l'année suivante et le céda définitivement en 1960. Il mourrut dans un hospice en Floride en avril 1989, à soixante-huit ans. Ce jours-là, Harlem, dont il avait été l'un des Rois, prit ses couleurs de deuil.

Français de Casablanca, Marcel Cerdan a connu une situation identique. Après avoir obtenu le titre européens des welters en 1939, il est tenu à distance du titre mondial, envisagé pour 1943 au plus tard. Ce n'est qu'en 1948, après cent neuf combats, que Cerdan dispute le championnat du monde. Il a trente-deux ans, un âge où beaucoup de boxeurs arrêtent de flirter avec la douleur des coups, mais depuis son premier combat, en 1934, il est tendu vers cet objectif. Il a tout accepté avant de pouvoir affronter le champion du monde.

MarcelCerdanVsTonyZale

Surnommé l'Homme de fer, Tony Zale, a arraché la ceinture des poids moyens, en 1948, à Rocky Graziano. Le 21 septembre 1948, au Stadium de Jersey City, Cerdan ne laisse pas passer l'occasion qui s'offre à lui. Par KO au 12ème round, il devient champion du monde. En trente-six minutes, il a décomplexé la France vis-à-vis de l'Amérique et cela lui vaut l'hommage de tout un peuple et la Légion d'honneur. Cerdan va mourir, brutalement, dans un accident d'avion le 28 octobre 1949, aux Açores, alors qu'il se rend aux Etats-Unis pour y affronter Jake La Motta, qui lui a ravi son titre quatre mois plus tôt.

Si la guerre a pu avoir un effet bénéfique sur la boxe, c'est celui de balayer les querelles des fédération scissionnistes IBU, NBA, NYAC, qui décernaient chacune des titres mondiaux à qui mieux mieux. A partir de 1944, il n'y a plus qu'un organisme mondial, la NBA, et huit champions du monde en exercice. Ce retour à l'essentiel aurait pu sauver la boxe, si... un autre danger mortel ne l'avait ronger de l'intérieur: la Mafia et ses combines. Aussitôt après la seconde guerre mondiale, la mainmise des gangsters sur la boxe était de notoriété publique. Jake La Motta, Le Taureau du Bronx était perçu comme un petit combinard et ami des mafieux. En 1947, La Motta avait été suspendu pendant six mois, convaincu de s'être couché devant Billy Fox. La Motta avait agit sur ordre de Blinky Palermo, gangster patenté, qui avait parié contre La Motta, favori du combat, lui promettant que s'il perdait, il disputerait le championnat du monde. L'affaire La Motta-Fox, la goutte d'eau qui fit déborder le vase, engendrera en 1947 une commission, présidée par le sénateur Kefauver, et le FBI avait ouvert une enquête sur les activités de la Mafia dans la boxe qui devait durer près de dix ans, permettant de démêler l'écheveau de la boxe professionnelle américaine dont Palermo n'était qu'un fil. Tout ou presque se décide à New York, dans les bureau de l'IBC, société de promotion, dirigée par James Norris, qui préside également le conseil d'administration du Madison Square Garden. Dans la réalité, c'est Frankie Carbo, alias Mister Gray qui dirige IBC, exerçant un monopole sur la boxe de plusieurs grandes villes américaines. Surnommé le Tueur, Carbo a été inculpé cinq fois pour homicide volontaire mais, bien defendu, il n'a fais que deux ans de prison. Il s'est reconverti dans la boxe dès la fin de la prohibition, en 1933, annonçant:"Je vais faire tourner les poids moyens comme des machines à sous". Il réussit au-delà de ses espérances puisque c'est pratiquement toute la boxe qui tourne autour de l'IBC. Pour mettre leurs boxeurs au programme des réunions de l'IBC, les managers doivent préalablement passer par la caisse de l'organisation. S'ils refusent de céder au racket, ils sont molestés, dans la plus pure tradition du cinéma noir. Ce contrôle de la boxe professionnelle, qu'exerce l'IBC à tous les niveaux, permet de faire la pluie et le beau temps sur les paris, particulièrement prisés au USA. Les bookmakers prennent les enjeux sur les combats comme sur les courses de cheveaux, fixant la cote de chaque boxeur. De nonbreux combats qui voient la défaite du favori, sont truqués. Ceci ne fut jamais prouvé en ce qui concerne des championnats du monde, organisés à 93% par James Norris entre 1949 et 1953.
En mars 1957, l'IBC est condamnée, en vertu de la loi antitrust, interdisant en l'occurence d'être à la fois manager et organisateur. En septembre 1959, Frankie Carbo, Blinky Palermo et trois autres personnes sont arrêtés par le FBI.

La boxe sort discréditée de cet épisode. Sur le ring, elle se remet assez bien de l'épreuve. C'est en plein boxing-boom qu'en octobre 1955 Rocky Marciano s'est retiré invaincu après quarante-neuf combats, demeurant le seul poids lourd à pouvoir afficher un palmarès vierge de défaite.
Floyd Patterson lui succède en novembre 1956, face à Archie Moore.

FloydPattersonVsIngemarJohansson

Floyd Patterson est, à moins de vingt et un ans, le plus jeune champion du monde de l'histoire des poids lourds. L'orsqu'il se retrouve, le 26 juin 1959, face au Suédois Ingemar Johansson, champion d'Europe. Alors que nul n'aurait misé un cent sur sa victoire le Suédois l'emporte, infligeant une cuisante défaite à l'Américain KO au 11ème round. Le Suédois, qui au passage redonne le titre suprême au blancs, lui fait quitter les Etats-Unis pour la première fois depuis trente ans. Durant un ans seulement, car, en juin 1960, Patterson le récupère, matant Johansson, KO en trois rounds.

L'Américain Archie Moore, champion des mi-lourds en 1952, domine son époque. Après avoir échoué pour le titre des lourds face à Patterson en 1956, Moore redescend chez les mi-lourds. Le 10 juin 1961, il défend et conserve une dernière fois son titre à quarante-sept ans, ce qui lui vaut d'être le plus vieux champion du monde de l'histoire.

ArchieMoore

Mais la Vieille Mangouste, comme il aime se faire appeler, a disputé son premier combat en 1935, année de la naissance de Patterson, Moore, recordman des KO infligés dans une carrière (145) ne cessera d'avaler des couleuvres qu'en août 1965, à son deux cent trente-quatrième combat. La longévité d'Archie Moore, son sens de l'humour et sa clairvoyance, alors qu'il a disputé beaucoup de combats durs, n'hésitant pas à défier Floyd Patterson, Rocky Marciano ou plus tard Cassius Clay, est un plaidoyer pour la boxe qui, en ce début des années soixante, a de nouveau bien besoin de défenseurs convaincants.

Un coup de froid s'abat sur la boxe le 24 mars 1962. Des millions de téléspectateurs assistent, pour la première fois, à la mort d'un boxeur en direct, Benny Kid Paret, champion du monde des walters, qui defendait son titre face à Emile Griffith.

ParetVsGriffith

En septembre 1961, Paret avait détrôné Griffith, reconnu comme l'un des meilleurs boxeurs alors en activité. La revanche entre ces deux boxeurs était attendue avec une telle impatience qu'elle fut retransmise un peu partout. Après trois quart d'heure de combat, un malaise profond l'emporte chez les spectateurs du Madison Square Garden et les téléspectateurs du monde entier. A la fin du 12èmeround, Paret est saoulé de coups, il en a encaissé dix-huit de plein fouet, sous les yeux de l'arbitre passif. Il s'écroule pour ne plus se relever, et mourra le 3 avril, après dix jours de coma. L'autopsie révèle une hémorragie cérébrale consécutive à la rupture de petits vaiseaux du cerveau, éclatés probablement à la suite des coups répétés.

Si en boxe le KO représente la mort symbolique d'un des deux adversaires, lorsque la mort devient réelle, il y a quelque chose qui ne va plus, ou qui va trop loin. Nat Fleisher, créateur du magazine The Ring, dresse un inventaire précis des boxeurs récemment morts au combat: onze en 1959, dix en 1960, dix en 1961, quatorze en 1962. C'est peu en comparaison du nombre de matchs disputés sur l'ensemble de la planète. C'est trop pour beaucoup. La mort d'un adversaire trouble peu les boxeurs, qui estiment généralement qu'ils auraient pu être la victime, gardant le secret de leurs émotions.

Sport, Spectacle et Business

Cassius Marcellus Clay. Il a déjà des prénoms d'empereur romain, ce jeune Noir américain de dix-huit ans qui le 5 septembre 1960 au Coliseum de Rome, remporte la médaille d'or olympique des mi-lourds. Sous sa nouvelle identité de Muhammad Ali, Il va devenir le plus grand. Durant dix ans, il focalisera l'attention du monde sur sa personne.

Agitateur né, Muhammad Ali fait entrer la boxe dans l'ère de la communication. Petites phrases assassines pour ses adversaires ou propos vitriolés à l'égard d'une Amérique contestée, la planète entière le reçoit en pleine figure. Six semaines seulement après son titre olympique, Clay dispute et remporte son premier combat dans la cour des grands. Avec sa frappe sèche, il s'affirme d'emblée comme un étonnant poid lourds. On le surnomme la Grande Gueule, mais lui surenchérit: "Je vole comme un papillon, je pique comme une abeille, je suis le plus grand". Clay devient le boxeur le plus médiatisé de l'histoire, et ce succès lui ouvre la voie du titre mondial.

CassiusClayVsSonnyListon

Lorsque Sonny Liston eut détrôné Floyd Patterson, en septembre 1962, Cassius Clay, qui n'avait qu'une quizaine de combats à son actif, grimpa sur le ring pour défier le nouveau champion. A son grand dam, il dut patienter près de deux ans. Durant cette période, Clay ne cessa de harceler Liston. C'est donc dans une ambiance électrique qu'eut lieu le combat, le 25 février 1964. Ali l'emporta au 7èmeround d'un combat violent. Muhammad Ali est né, et c'est sous ce nouveau patronyme qu'il accorde une revanche à Sonny Liston le 25 mai 1965. Ali l'emporte au 1er round et, frustré d'une victoire aussi rapide, il hurle à son adversaire gisant à ses pieds: "Lève toi! Lève toi!" mais Liston ne se relèvera pas.

En 1962 la vieille NBA a affiché sa vocation mondialiste en se transformant en WBA. Lors de son premier congrès, en 1964, le Mexicain José Suleiman, qui voulait en prendre la présidence, est évincé. Avec ses supporters, il fonde le WBC.

L'engagement d'Ali aux groupes des Black Muslims déclenche des mesures de rétorsion, la WBA le déchoit arbitrairement de son titre. Ali, qui a une nouvelle fois battu Liston, n'est plus qu'un demi-champion, celui du WBC. En juin 1967, après avoir déclaré "Je ne vois pas pourquoi, moi, un Noir irais tuer des Jaunes, pour le plus grand profits des Blancs", il refuse son incorporation dans l'armée. Le gouvernement fédéral lui interdit de boxer, on lui retire sa licence. Durant trois ans, il mène campagne pour sa réhabilitation, et même sans titre officiel, c'est en champion qu'il est accueilli lors de ses meetings. Malgré cette pression populaire, la situation n'évolue pas juridiquement et, en février 1970, Ali annonce qu'il met un terme à sa carrière. Grâce à l'appui de politiciens noirs, certains Etats, comme la Georgie ou de l'Etats de New York, décident alors de lui redonner une licence, lui permettant ainsi de remonter sur un ring.

AliVsFrazier

En 1971, il affronte Joe Frazier, considéré comme le meilleur poids lourd en activité. Tous deux sont invaincus, Frazier en vingt-six combats, Ali en trente et un. L'engouement que suscite leur rencontre fait dire que c'est un véritable championnat du monde qui se déroule au Madison Square Garden le 8 mars 1971. Ali battu pour la première fois de sa carrière se consacre à des exhibitions, il devient champion NABF, un titre national. Ali retrouve Frazier en janvier 1974, pour l'attribution de se titre NABF, car Frazier a perdu son titre "mondial" face à Georges Foreman un an plus tôt. En l'emportant cette fois sur Frazier, Ali, vengé, redevient challenger mondial, à trente-deux ans.

La route d'Ali croisa celle de Georges Foreman. Ce Texan noir est l'antithèse de Muhammad Ali. Lors des jeux Olympiques de Mexico en 1968, alors que des athlètes noirs brandissaient un poing ganté et vengeur sur le podium, Foreman, médaillé d'or des mi-lourds, agitait un drapeau étoilé.

AliVsForeman

Foreman, qui totalise quarante combats victorieux, dont trente-sept par KO, est considéré comme l'un des meilleurs puncheurs de la catégorie. La confrontation a lieu le 30 octobre 1974 à Kinshasa au Zaïre, à l'invitation du président Mobutu, et organisée par Don King, qui commence à asseoir sa domination sur les autres promoteurs. "Ali tue-le, Ali tue-le!", hurle la foule en délire, et Muhammad Ali l'emporte par KO au 8èmeround, récupérant le titre huit ans après en avoir été déchu. Après sa victoire sur Foreman, Ali redomine la catégorie pendant quatre ans. A trente-six ans il annonce à nouveau qu'il met un terme à sa carrière. De mauvais placement et les ponctions de ses amis musulmans le ramènent au combat. En décembre 1981, Ali raccroche définitivement. Trop tard selon certain qui imputent la maladie de Parkinson, à sa carrière prolongée au-delà de ce que son organisme pouvait supporter.

Carlos Monzon, surnommé El Macho a disputé quatre-vingt-deux combats, n'en perdant que trois, avant de défier Benvenuti. L'Italien s'incline au 12èmeround, tous ceux qui sont opposés à Monzon en font cruellement les frais.

MonzonVsBouttier

Champion d'Europe des moyens en 1971, Bouttier maintient alors à bout de gants une boxe française orpheline de titre mondial. Organisé au Stade de Colombes, le championnat du monde des poids moyens entre Carlos Monzon et Jean-Claude Bouttier, le 17 juin 1972. Le miracle n'a pas lieu. Lors de la 6èmereprise, un crochet du droit envoie Bouttier à terre. Il continue et n'abandonne qu'au 13èmeround, après avoir eu les deux yeux fermés. L'acteur Alain Delon investit 1,5 million de francs pour organiser la revanche, en septembre 1973 sur le court central de Rolland-Garros. Monzon est à nouveau déclaré vainqueur, aux points cette fois, et lorsqu'il se retire en août 1977, après son cent deuxième combat, il n'a toujours que trois défaites à son palmarès. Il passe toujours pour l'un des meilleurs poids moyens de l'histoire.

La boxe devient un marché en perpétuelle expansion. Conformément au principe plus il y a de champions du monde, plus il y a de combats, donc plus d'argent déversé autour des rings, de nouvelles catégories de poids font leur apparition: mi-mouche (1975), supercoq (1976), lourds-légers (1979), supermoyens (1984) et paille (1987). De nouvelles fédérations également voient le jour, concurrençant le WBC et la WBA. L'IBF est créée en 1983. En 1988, une novelle querelle de pouvoir au sain de la WBA débouche sur la création de la WBO. Dix-sept catégories de poids et quatre organismes internationaux, ce qui fait soixante-huit titres mondiaux à la disposition des combattants...

SugarRayLeonardVsHagler

Sugar Ray Leonard, Champion des Golden Gloves (principlale compétition amateur aux Etats-Unis), il fut sélectionné pour les JO de Montréal en 1976, d'où il rapporta la médaille d'or des superlégers. Il obtint son premier titre professionnel, celui des welters, en 1979. Ensuite, il affronta les meilleurs boxeurs de sa génération: Roberto Duran, qui lui infligea sa première défaite et sur qui il prit sa revanche, et Thomas Hearns, face auquel il obtint sa deuxième couronne, des superwelters, en 1981. Après quelques déboires, il se ressaisit et remonte sur le ring pour défier Marvin Hagler, champion des poids moyens, qu'il battit au points en 1987. Il porta à cinq sa collection de titre mondiaux. Il se retira définitivement en février 1991.

C'est à Las Vegas, au coeur du désert du Nevada, que les champions modernes sont venus chercher consécration et fortune. Hagler, Duran, Tyson, Hearns, Chavez et surtout Sugar Ray Leonard y ont transcendé la parcellisation des titres. La transhumance a commencé avec Muhammad Ali. Son combat face à Larry Holmes, en octobre 1980, établit un record de recettes: 5,6 millions de dollars laissés au guichet du Caesars Palace, inauguré en la circonstance. Moins d'un an plus tard, au même endroit, c'est 45 millions de dollars que rapporte le championnat des welters opposant Sugar Ray Leonard à Thomas Hearns. En décembre 1989, le nouveau fleuron de Las Vegas, Le Mirage, qui a coûté 650 millions de dollars, ouvre pour la première fois ses portes avec le combat opposant Sugar Ray Leonard au Panaméen Roberto Duran.

MikeTyson

Plus jeune champion du monde des poids lourds de l'histoire, à vingt ans et cinq mois en novembre 1986, Tyson domine tellement la catégorie que, de victoire en victoire, il tue tout suspense. A tel point que ses bourses se réduisent comme peau de chagrin. Son manager, Don King, qui a remplacé Cus d'Amato à la mort de celui-ci, envisage même un temps de l'opposer à un footballeur américain de 115 Kilos pour relancer la curiosité du public blasé par ses victoires express. C'est un obscur tâcheron des rings, James Buster Douglas, qui crée l'une des plus grandes surprises de l'histoire de la boxe en mettant Tyson KO en dix rounds, en février 1990.

Mike Tyson, surnommé Iron Mike, totalise 59 combats, pour 50 victoires, dont 44 par KO. Il unifie les ceintures des poids lourds des différentes organisations à la fin des années 1980. Il dominera sans partage sa catégorie. Ecarté des rings, en 1992, condamné pour viol.

TysonVsDouglas

En 1995, Iron Mike, reprend le chemin des rings et récupère les titres WBA et WBC. Avant de trouvé, en 1996, sur sa route, Evander Holyfield, dans le "Real Deal" qui qualifie ainsi Holyfield comme un adversaire sérieux opposé à Tyson, Holyfield l'emportera à la 11èmereprises. Leur match revanche en 1997 est arrêté après que Tyson a été disqualifié pour avoir mordu l'oreille d'Holyfield. Signant la fin d'un règne, Tyson disputera encore quelques combats, mais l'envie, la rage, n'est plus là. Il se retire des ring en 2005.

La pluie de dollars qui inonde certains rings ne parvient pas à réduire la boxe à un spectacle de paillettes. La réalité pugilistique contemporaine est ailleurs. Dans les ghettos, les bidonvilles ou les quartiers pauvres, grands pourvoyeurs de combattants. Là où l'on s'affronte pour trois fois rien, ou plus simplement pour survivre. La boxe y retrouve le dépouillement originel de se sport pas comme les autres, qui plonge l'homme aux sources de la violence et le met aux prises avec son essence même. Tant que la pauvreté existera, l'histoire de la boxe ne sera pas achevée.

Si ce survol historique vous a plus, le livre est passionnant et beaucoup plus complet, alors n'hésitez pas.